Analyse d’œuvres d’art

Étude d’œuvres

 

Sky and Water (L’air et l’eau) 1938

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Les flèches représentent les deux translations servant à réaliser L’air et l’eau.

Il s’agit d’une estampe réalisée par Escher en 1938. C’est un carré de 43,8 cm de côté. Cette œuvre est considérée comme un pavage et une métamorphose. En effet, il s’agit d’un pavage car le plan est recouvert par deux motifs qui se répètent à l’identique qui sont ici les poissons et les oiseaux disposés en forme de losange. On assiste également à une métamorphose puisque les animaux changent de forme.

Nous pouvons voir des poissons gris qui nagent dans de l’eau noire et des oiseaux gris qui volent dans un ciel blanc. Nous remarquons que plus les poissons montent vers la surface plus ils deviennent blancs et moins nets tandis que les oiseaux deviennent noirs et flous en bas de l’œuvre.

Les poissons, en montant, forment les interstices entre les oiseaux qui font l’inverse en descendant. Cela forme un pavage au centre de l’image. Si on ne fixe pas un point précis de l’œuvre, nos yeux se perdent et il devient compliqué de distinguer les poissons et les oiseaux.

En réalité, ce pavage n’est pas parfait : les poissons et les oiseaux n’ont pas toujours exactement la même forme. Cependant, cette œuvre se rapproche d’un pavage P1, constitué uniquement de translations dans deux directions différentes (les deux en diagonales) et qui ne comporte pas de symétries ou rotations.

Cette œuvre a aussi permis aux physiciens de représenter un phénomène physique dont ils n’avaient qu’une vague idée. Malgré son apparence simple, ce phénomène physique donne un intérêt majeur. En effet, cette estampe a permis aux scientifiques de se représenter les couches limites de deux fluides. Par exemple, si on dispose dans un même  verre de l’eau et de l’huile, cette dernière flotte et entre les deux liquides apparaît une limite qui a l’air nette. En réalité, un peu au-dessous, il y a quelques particules d’huile se fondant dans l’eau (ici les poissons) et au dessus, il y a quelques particules d’eau se fondant dans l’huile (ici les oiseaux).

Drawing hands (mains dessinant) 1948

 

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Les cercles entourent les crayons que les mains utilisent pour se dessiner mutuellement. Le trait rouge sépare la feuille en deux parties identiques.

Cette œuvre est une lithographie, une technique d’impression permettant la création et la reproduction de multiples exemplaires d’un tracé exécuté à l’encre ou au crayon sur une pierre calcaire. La première version fut imprimée en janvier 1948. Cette lithographie est de dimensions 28,2 x 33,2 cm. On remarque qu’il existe une symétrie centrale dont le centre correspond à celui de la feuille.

Cette œuvre représente deux mains qui sortent d’une feuille blanche mais dont les poignets restent à plat sur la feuille. Cette même feuille semble être attachée par 4 punaises, mais contrairement au reste de cette lithographie, les mains paraissent tridimensionnelles.
Escher utilise souvent des paradoxes dans ses œuvres, cette œuvre en est un exemple. Nous avons ici un paradoxe lié à l’idée d’origine.

Dans le dessin, qui est ce qui commence à dessiner ? La main gauche ou la main droite ?
Il y avait forcément un moment où la feuille était vierge. De plus, on remarque qu’aucune des deux ne peut avoir commencé, parce que chacune semble avoir été créée par l’autre. Mais quand ? Et comment ?
Nous avons aussi le moment présent où les mains sont en train de se dessiner. Cela nous laisse imaginer qu’il y aura un moment où les crayons compléteront le dessin. Les manches deviendront certainement tridimensionnelles comme les mains. On peut remarquer pourtant que les deux mains sont au même stade ce qui est assez paradoxal.

On observe que les mains sont plus sombres et beaucoup plus détaillées que le reste du dessin, à l’avenir les manches seront certainement plus sombres et tout aussi détaillées.
Ce tableau est aussi une mise en abyme évidente. A l’intérieur de cette lithographie se trouve un autre tableau, celui représentant le papier attaché à l’aide des punaises.  

Exposition d’Estampes 1956

 

La passerelle entre les mathématiques et l’art est très fine. C’est ce que démontra Escher avec un chef-d’œuvre inachevé qui devint vite la plus impénétrable énigme de l’art contemporain pour les mathématiciens. En 1956, M.C. Escher créa la lithographie Exposition d’Estampes.

Dans une galerie d’art, un jeune homme regarde une estampe (image imprimée grâce à une gravure sur bois ou sur métal). En se penchant de plus près sur l’œuvre, on se rend compte que le jeune homme est dans le tableau qu’il est en train de regarder. C’est l’effet Droste (ci-dessous à droite), c’est à dire une représentation d’une mise en abyme. Au centre de l’œuvre, reste une zone blanche, non dessinée, mystérieuse.

img Exposition d'estampes.jpgDroste

Comment a-t-on réussi à résoudre cette énigme ?

Dans cette œuvre, comme dans d’autres d’ailleurs, l’artiste voulait montrer une forme d’infini. Escher pensait que ce rond central ne pouvait pas être rempli avec les techniques de son époque. Le vide peut être interprété comme un défi lancé ou comme une façon de laisser l’imaginaire créer son propre infini.

Tout d’abord, Douglas Hofstadter, professeur de sciences cognitives à l’Université du Michigan, auteur de l’ouvrage « Gödel, Escher et Bach, les brins d’une guirlande éternelle » (1979), membre de l’Académie américaine des arts et des sciences, pensa que : « Si cette tache paraît être un défaut, le défaut est peut-être en fait dans nos attentes, car Escher n’aurait pas pu finir cette partie du tableau sans violer les règles selon lesquelles il le dessinait ». Le rond central est vide et doit le rester à jamais. C’est ce qui permet l’illusion du jeune homme, à la fois dans le tableau et en dehors, en train de le regarder.

L’art est difficile à définir. Mais un mathématicien de l’université de Leyde, Hendrik W. Lenstra fut frappé par l’œuvre et voulut trouver un moyen mathématique de comprendre et de reproduire l’œuvre intégralement. En 2003, le mathématicien et son groupe se penchèrent sur ce sujet et se demandèrent s’il était possible de remplir ce vide laissé au centre, avec les règles qu’Escher avait fixées.

Pour commencer, les mathématiciens ont calculé la grille de torsion de la lithographie (ci-dessous) qui s’avéra très ressemblante à celle qu’Escher avait confectionnée manuellement pour créer l’œuvre.

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Puis les chercheurs ont tenté de comprendre la structure mathématique qui se cachait dans ces tracés tortueux. Ils démontrèrent alors par le calcul que l’œuvre n’est en fait que l’image située en bas à gauche de la lithographie (ci dessous à gauche),qui est déplacée vers le coin en haut à gauche du tableau, tournée de 40° et agrandie 4 fois. Le procédé est identique pour les trois autres coins.

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Donc, en prenant l’image (ci-dessus à gauche) en la tournant de 160° et en l’agrandissant 256 fois, on retombe exactement sur cette même image.

 

En cherchant, les mathématiciens se sont approchés de concepts comme celui de la bouteille de Klein (en dessous à droite) ou encore celui de la surface de Riemann (en dessous à gauche) qui est une variété complexe en géométrie différentielle et géométrie analytique complexe.

  

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Exposition d’Estampes est née d’une combinaison de plusieurs fonctions : dilatation, torsion et projection conforme. Les schéma présentés ci-dessous constituent une explication simplifiée de ces procédés.

 

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Lorsque l’on retire cette combinaison de fonctions on trouve une image avec une spirale équi-angulaire blanche revenant au concept de l’infini (ci-dessous).

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L’aspect le plus fascinant de tous est qu’en ôtant toutes les torsions et en rajoutant les éléments manquants de la spirale blanche, au cours du processus, on tombe sur un pavage escherien (ci-dessous) que l’on doit transformer encore une fois pour retrouver l’œuvre initiale.

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Finalement, une fois décortiquée mathématiquement, l’œuvre peut très bien être représentée en mouvement. (vidéo ci-dessous)

Escher pensait que ce rond central ne pouvait pas être rempli et hélas ou heureusement, nous ne saurons jamais s’il aurait voulu qu’il le soit. Les opinions divergent mais tout ce que nous savons, c’est que ce vide aura grandement participé à sa notoriété. Pour finir, comme dirait l’artiste « Nous adorons le chaos parce que nous aimons produire de l’ordre ». Escher aura produit le chaos pour que d’autres remettent l’ordre.
Bien que ce ne soit pas de notre niveau en première S, nous avons choisi de présenter ci-dessous, pour les plus intrépides, la méthode mathématique utilisée par le groupe de mathématiciens.
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